Le deuil anticipé a lieu lorsqu’on a conscience que l’on va souffrir d’une perte imminente mais qui ne s’est pas encore concrétisée. Une tempête est annoncée, quelque chose va arriver…
Repères perdus…
Je suis tombée sur un article dans la HBR qui a largement inspiré les lignes qui suivent. Depuis que la situation sanitaire et le confinement qui s’en est suivi, ont débuté, je me suis sentie perdue, les repères que je connaissais n’étaient plus là. Pensez à une piste d’atterrissage et aux bornes lumineuses qui la bordent ; vous les voyez, elles vous guident pour vos manœuvres. Et puis tout à coup, imaginez qu’elles s’éteignent ; vous êtes maintenant aveugles en quelque sorte et devez apprendre à fonctionner sans elles.
C’est ce que je ressens depuis le début de la crise. Vous êtes probablement aussi dans le même cas ; vous n’utiliseriez pas la même métaphore pour décrire la confusion qui vous habite actuellement, mais vous vous reconnaissez peut-être dans ce que je décris…
La pandémie mondiale lié au COVID-19 et les vagues du tsunami économique auxquelles nous faisons face actuellement, nous mettent à l’épreuve, en tant qu’individus mais aussi collectivement.
Ce que nous traversons, ce que nous ressentons, s’apparente à un deuil.
Elisabeth Kübler-Ross et David Kessler, tous deux des experts reconnus mondialement pour leurs recherches et publications sur le deuil, affirment qu’accepter ce sentiment de deuil, c’est y trouver une signification, à la fois individuelle et collective.
Un deuil collectif ?
Le monde tel que nous le connaissions, a changé. Nous savons que c’est temporaire mais nous ressentons malgré tout un inconfort car nous réalisons que la vie, lorsqu’elle redémarrera, ne sera plus comme avant. Nous faisons face à une perte de repères, de normalité, une perte de connexion sociale aussi, le tout accompagné d’une peur générée par la situation économique mondiale et celle d’une seconde vague dans l’épidémie. Cela nous frappe de plein fouet, personne n’est à l’abri sur aucun des continents. Nous subissons un deuil collectif.
Un deuil anticipé ? Comment le gérer ?
Ce que nous vivons collectivement s’appelle un deuil anticipé. Notre cerveau primitif sait qu’une tempête se prépare, mais nous ne pouvons pas la voir. Notre sentiment de sécurité en est fortement affecté, au niveau de l’individu et du collectif également.
Comprendre les différentes phases du processus de deuil est une étape importante pour le gérer. Les phases sont au nombre de cinq ; elles ne sont pas linéaires et peuvent se succéder de façon très différente d’une personne à l’autre.
D’abord, il y a le déni : ce virus ne m’affectera pas. Il y a la colère : vous me faites rester chez moi, je ne peux pas sortir et par-dessus ça je perds mon emploi ! Il y a la négociation : si je respecte la distanciation sociale pendant 2 semaines, tout ira pour le mieux, pas vrai ? Il y a aussi la tristesse : je ne sais pas quand ça finira. Et finalement, il y a l’acceptation : cela se passe, réellement, quelles sont donc les options concrètes qui s’offrent à moi ?
C’est dans cette dernière phase, l’acceptation, que se trouve le vrai pouvoir.
Dans l’acceptation, nous reprenons du contrôle : je peux laver mes mains ; je peux garder mes distances et respecter les gestes barrière ; je peux m’adapter et travailler de chez moi ; je peux m’adapter aux réunions virtuelles…
Une sixième phase dans le processus de deuil
David Kessler a ajouté une sixième phase au processus du deuil : la signification. Nous cherchons à comprendre la signification derrière tout deuil. Les gens réalisent qu’ils peuvent rester connectés grâce à la technologie. Ils peuvent même apprécier des balades quotidiennes. Avons-nous besoin des bornes lumineuses de la piste pour mener à bien nos tâches quotidiennes? Peut-être pas… Peut-être pouvons-nous mettre en place d’autres méthodes qui fonctionneront tout aussi bien.
L’anxiété naît de nos pensées répétitives…
Le deuil anticipé peut s’accompagner de sensations désagréables, très inconfortables. L’anxiété est une de ces sensations. Elle naît lorsque notre esprit nous montre des images (mes proches malades par exemple). Le but n’est pas d’ignorer ces images, de les faire disparaître. Le but véritable est de trouver un équilibre face à ces pensées. Nous pouvons faire d’une image désagréable, une image plus positive. Je ne suis pas malade. Tous ceux que j’aime vont bien, personne n’est mort. Parce que je fais ce qu’il faut et eux aussi.
Comment calmer notre esprit ?
Le deuil anticipé, c’est notre esprit qui se balade dans le futur et nous fait voir le pire. Il y a plusieurs pistes que vous pouvez explorer pour tenter d’apaiser votre anxiété et vos pensées récurrentes : la médiation et la pleine conscience.
Le principal, c’est de lâcher prise sur ce que nous ne pouvons pas contrôler. Ce que font vos voisins en ces temps de confinement n’est pas sous votre contrôle par exemple.
L’outil MAP : puissant et facile
M pour mental = Pensée. A pour affect = Émotion. P pour physique = sensations corporelles.
Si vous ne vous sentez pas prêts à faire de la méditation, n’avez pas suivi de formation courte ou longue à la pleine conscience, vous vous sentirez peut-être démunis face à la gestion de vos pensées récurrentes (répétitives) ; elles ont l’art de tourner en boucle dans notre esprit et peuvent nous paralyser.
Olivier Masselot, coach formé à l’Intelligence Neurosensorielle, présuppose que « l’intelligence neurosensorielle permet de trouver des solutions que notre intellect seul ne peut envisager, en rétablissant une communication en temps réel entre notre corps et notre cerveau ».
Ainsi en utilisant l’outil MAP, vous pouvez arriver à un compromis entre la pensée récurrente à l’origine de votre inconfort et une relative sérénité gagnée dans le moment présent. Lorsqu’une pensée tourbillonne dans votre esprit (= M), arrêtez-vous et demandez-vous «Qu’est-ce qui est en train de se passer ? (=E) Puis posez-vous la question : Où est-ce que je le ressens ? (= P). Passer par ces stades, c’est casser les fantasmes de la pensée et la dynamique de peur qui s’installe. Vous avez coupé court à la pensée intrusive et êtes (re)devenu présent à vous.
Il s’agit d’un exercice très efficace que je pratique moi-même. Il y a des applis sur iOs et Android qui peuvent vous aider à faire cet exercice plusieurs fois par jour (et pas seulement quand vous avez des pensées récurrentes, mais juste pour vous (re)connecter à vous dans le moment présent): MindBell et TooBee.
Nommer nos sensations et nos émotions
Si malgré tout nous nous sentons encore débordés par nos sensations, il est préférable de les nommer, de les faire exister en dehors de nous, au-delà de notre esprit. J’ai confié à mes proches que je me sentais mal depuis le début de tout ça ; j’ai pleuré hier soir,…
Nommer nos sensations, nos émotions, c’est nous laisser traverser par elles tout en leur accordant toute leur légitimité. Les émotions ont besoin de mouvement. Celles que nous vivons, qui nous traversent sont importantes, elles nous apportent un message sur ce que nous ressentons. Mais elle ne nous définissent pas.
Souvent nous essayons de ne pas ressentir ce que nous sommes en train de ressentir. Si je cède à la tristesse, elle ne me quittera plus ! Nous ressentons cette tristesse, nous la nommons, nous remarquons où nous la ressentons, elle nous traverse et nous pouvons passer à autre chose.
J’espère que ces quelques lignes vous aideront à comprendre ce qui se passe en vous, à rendre légitimes vos sensations et vos émotions. Ce que vous ressentez en ce moment, ce sont des émotions, elles ne vous définissent pas, elles vous traversent… et c’est OK !
Essayez de dire «Je me sens triste » plutôt que « Je suis triste »… Sentez-vous la différence dans la perception-même de cette émotion parce que vous ne la laissez pas vous définir ?
Je vous souhaite beaucoup de courage et de résilience en cette période tourmentée.
Prenez bien soin de vous et de vos proches !